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Dans une carte blanche publiée dans le journal Le Soir le 2 Avril 2025, le réseau Occupons le terrain * constate que le gouvernement wallon fait bien peu de cas des procédures légales et de l’avis des citoyens et citoyennes. Contourner la loi pour faire passer des projets contestés semble devenir une habitude, comme en témoignent trois projets emblématiques à Braine-l’Alleud, Namur et Liège. Le réseau rappelle le gouvernement à ses obligations et plaide pour une réelle démocratie territoriale.

Carte blanche - Par le réseau Occupons le Terrain

Publié le 2/04/2025 

L’autorisation de construire un nouveau projet – qu’il soit routier, industriel, commercial ou résidentiel – ne peut s’obtenir qu’au terme d’une procédure précise, impliquant des phases de consultation qui permettent aux citoyens et citoyennes d’exprimer leurs remarques et leurs interrogations sur le projet. Les critiques, propositions et alternatives émises doivent être analysées en profondeur et obtenir des réponses claires. De même, les citoyens et citoyennes peuvent contester les décisions prises en s’adressant à la Justice (notamment le Conseil d’Etat) et les décisions de celle-ci s’imposent en fin de procédure. Ce sont ces contraintes que le Gouvernement wallon tente de contourner de plus en plus fréquemment.

Une route mortifère à Braine-l’Alleud

Le contournement routier de Braine-l’Alleud est en projet depuis des années mais n’a jamais été concrétisé en raison de la présence de nombreuses espèces protégées sur le tracé de la future route. Dans ce type de dossier, c’est le Département de la Nature et des Forêts (DNF) qui décide, sur base scientifique, d’octroyer ou non les dérogations à la Loi de la Conservation de la Nature. En effet, il faut éviter que la mise à mort intentionnelle d’animaux ou de végétaux et la destruction d’habitats impactent significativement l’état de conservation des espèces.

Dans ce cas-ci, le DNF avait refusé la demande de dérogation introduite par la commune, jugeant les impacts trop importants. Qu’à cela ne tienne, la ministre de la Nature Anne-Catherine Dalcq a décidé de faire fi de la décision de son administration et d’octroyer elle-même la dérogation !

Posons-nous la question : que reste-t-il comme option aux citoyens et citoyennes quand leurs avis ne sont pas écoutés et quand même les leviers légaux qui leur donnent raison sont balayés du revers de la main par le pouvoir en place ?

Destruction d’un parc à Namur

La construction d’un pôle multifonctionnel (commerces, bureaux, logements) impliquerait la destruction du parc Léopold, un petit parc urbain à Namur, qui constitue un espace de respiration et de fraîcheur essentiel pour les habitants et habitantes du centre-ville. Comme ce projet déroge au Plan de Secteur, la commune a dû réaliser un Périmètre de Remembrement Urbain (PRU). Celui-ci vient d’être annulé par le Conseil d’Etat à la suite du recours introduit par l’ASBL Ramur. Motifs de cette annulation : un manque de consultation citoyenne et le non-respect d’une directive européenne sur les études d’incidences, les alternatives proposées par des citoyens n’ayant pas été étudiées. Un mois plus tard, les fonctionnaires délégués de la Région wallonne octroient tout de même un permis pour ce projet, impliquant une longue liste de dérogations. Les motifs d’annulation sont pourtant toujours d’actualité, puisqu’il n’y a eu ni nouvelle consultation citoyenne, ni nouvelle étude d’incidence. Il s’agit d’un moyen de contourner habilement la décision de justice, tout en essayant d’épuiser les ressources financières de l’ASBL Ramur, qui envisage d’entreprendre une nouvelle procédure de recours…

Un air de déjà-vu à Liège Airport

Canopea et Dryade avaient entrepris un recours au Conseil d’Etat contre le permis d’environnement autorisant l’augmentation du nombre de vols à Liège Airport, en raison d’impacts trop importants sur le climat et la santé des riverains. Sous la législature précédente, après un avis négatif de l’auditeur, le gouvernement wallon avait annulé le permis pour en octroyer un nouveau (méthode dite de « retrait-réfection »), rendant la procédure de recours caduque. Canopea et Dryade ont donc relancé une procédure de recours et l’histoire se répète : l’avis de l’auditeur est à nouveau négatif, mais Liège Airport se dit confiant et le gouvernement envisage de nouveau un retrait-réfection…

La loi est-elle faite pour être contournée ?

Cela semble être le point de vue de l’exécutif wallon. Et ce n’est sans doute pas un hasard. Parce que c’est le même gouvernement qui, dans sa Déclaration de Politique Régionale, menace de limiter la participation citoyenne lors des enquêtes publiques ! Ce serait en contradiction avec la législation internationale, notamment la convention d’Aarhus, qui garantit le droit à la participation et l’accès à la justice en matière d’environnement. Posons-nous la question : que reste-t-il comme option aux citoyens et citoyennes quand leurs avis ne sont pas écoutés et quand même les leviers légaux qui leur donnent raison sont balayés du revers de la main par le pouvoir en place ?

Pour une vraie démocratie territoriale

L’aménagement du territoire nous concerne toutes et tous ! C’est de notre cadre de vie, de notre bien-être et de notre santé qu’il s’agit. C’est pourquoi nous exhortons le gouvernement wallon à :

– Respecter la législation en matière d’environnement et de participation citoyenne au lieu d’essayer de la contourner ou de l’affaiblir ;

– Renforcer les lois de préservation de l’environnement et des terres agricoles, ce qui est indispensable dans le contexte actuel d’effondrement de la biodiversité ;

– Assurer une réelle participation citoyenne en matière d’aménagement du territoire, qui ne soit pas de façade mais avec un poids réel sur les décisions prises.


* Le réseau Occupons le terrain (OLT) regroupe une cinquantaine de collectifs et d’associations, mobilisés pour la sauvegarde de territoires et ressources (terres agricoles, eau, forêts, espaces verts, zones protégées,…)

Site Web : Https://www.occuponsleterrain.be